Sadri Fegaier devant le siège de son groupe à Romans-sur-Isère, fin 2023. Archives photo Le DL /Fabrice Hébrard
À l'issue de l'audience tenue le 22 Mai jour au tribunal de commerce de Paris, la holding Indexia Group, ainsi que trois autres sociétés du groupe ont été placées en liquidation judiciaire. La société de l’homme d’affaires Sadri Fegaier laisse derrière elle beaucoup de dettes et des centaines de consommateurs lésés.
En 2016, la Sfam, une société d’assurances, se fait connaître grâce à un partenariat avec le groupe Fnac-Darty afin de vendre des «assurances affinitaires» (liées à un produit ou un service). Chaque acheteur pouvait ainsi se voir proposer une assurance Sfam par un vendeur de la Fnac ou de Darty, ou par téléphone. Face aux alertes répétées de clients se plaignant de méthodes de souscription douteuses, avec des prélèvements non désirés et répétés, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) conclut à des pratiques commerciales trompeuses. L’enquête aboutit, en 2019, avec une transaction pénale d’un montant de 10 millions d’euros. La même année, la Sfam perd son partenariat avec la Fnac, puis son agrément comme société d’assurances. En plus de la Sfam, le groupe Indexia, via ses magasins Hubside, spécialisés dans la revente d’objets multimédias neufs ou reconditionnés, est aussi accusé d’avoir utilisé des méthodes de vente forcée pour d’obscurs abonnements ou assurances. Là encore, avec des prélèvements bancaires indus. Le groupe doit également répondre d’un système mis en place pour limiter les résiliations. Les montants, encore plus importants que dans l’affaire de la Sfam, pouvaient atteindre plusieurs milliers d’euros par client en quelques mois. Des démarcheurs étaient notamment chargés d’appâter le chaland qui passait devant les magasins Hubside en promettant toutes sortes de cadeaux et avantages, avec un discours bien rodé.
La procureure : «Quand le business plan d’une entreprise repose sur une escroquerie, il n’y a pas d’autre issue possible … Sadri Fegaier a trompé les salariés et a fait plus d’un millier de victimes, qu’il ne faut plus appeler des clients.»
La chute qui se profile s'annonce aussi fulgurante que l’ascension de ce patron médiatique et charismatique. Autodidacte, armé d’un BTS en assurances, ce fils d’un chauffeur routier et d’une femme de ménage monte une première boutique de téléphonie mobile, comme franchisé de SFR. Il bifurque après quelques années plus tard pour s’engouffrer dans le créneau des assurances pour téléphones portables et autres appareils électroniques. La Sfam (pour Société française d’assurances multirisques) est née. Un pari à première vue gagnant. Durant la décennie qui suit, dans les années 2010, la Sfam implantée à à Romans-sur-Isère prospère. Au point d’attirer de grands noms qui entrent à son capital, comme Edmond de Rothschild Investment Partners en 2016 ou Ardian en 2018. A ce moment-là, le groupe est valorisé 1,7 milliard d’euros. Le cavalier émérite – un inconditionnel du jumping – se retrouve à la tête d’une licorne et entre la même année dans le classement des 500 Fortunes professionnelles de Challenges, s’y maintenant quelques années. En 2018 toujours, le milliardaire acquiert, via la Sfam, 11,3 % de la Fnac-Darty pour 330 millions d’euros. Une manœuvre qui n’est pas vraiment du goût du distributeur spécialisé. Le partenariat qui était en place prend fin en 2019, au moment où un premier voyant rouge s’allume à côté du nom du courtier en assurances.
Les pratiques commerciales abusives de la société installée à Romans-sur-Isère ont fait des milliers de victimes. Son patron, Sadri Fegaier, est entré en 2018 dans le classement des 500 plus grandes fortunes de France du magazine «Forbes». Ces temps radieux sont donc désormais bien loin pour l’ex-magnat des assurances aujourd’hui suspecté d’escroquerie. Pour couronner le tout, l’Urssaf lui réclame 12 millions d’euros d’arriérés de cotisations sociales. D’aucuns disent que la tendance est aux films qui finissent mal. Concernant les affaires de Sadri Fegaier, l’épilogue approche.